Au fil des temps et des années, le constat est clair. La rigueur et l’intransigeance de la population du Sud-Kivu ne lui a pas du tout profité et encore moins favorisé le développement de cette province. En effet, une analyse comparative portée sur les 20 dernières années qui coïncident avec la fin du règne de la dictature mobutienne (1996 à l’Est), laisse croire à première vue que le Sud-Kivu est la seule province de notre pays à avoir refusé d’être gouverné par ses propres fils.
Pendant toute la durée de la 2ème République, la grande Province du Kivu avec comme chef-lieu Bukavu a connu des problèmes politiques (changements successifs des gouvernants) et sécuritaires (réfugiés rwandais et burundais) qui n’ont pas impactés si négativement le social de la population et le processus de développement de notre province comme ce qui nous est arrivé à partir de la fin de ce régime. Tous les gouvernants à tous les niveaux étaient nommés parmi les zaïrois originaires de n’importe quelle province de notre pays. Et les choses semblaient rencontré les aspirations de toutes nos populations, en ce compris, toutes les communautés, les ethnies et tribus des actuelles provinces du Nord-Kivu et Maniema à l’époque encore districts de Uvira, Goma et Kindu, concentrées dans la ville de Bukavu, chef lieu de province d’où émanait la gestion de toute la province.
En 1988, quand le régime mobutu prend conscience des difficultés de gestion administrative de ce pays continent et décide de la création des 26 provinces afin de rapprocher les gouvernants des gouvernés, la Province du Kivu est choisie pour test de ce processus qui devrait s’étendre progressivement sur les autres provinces après évaluation des avantages et inconvénients. Le Grand Kivu donne ainsi naissance à trois provinces : Le Maniema, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu qui garde la capitale Bukavu comme chef lieu. Les événements qui suivront n’ont plus permis au régime de l’époque d’évaluer comme prévu les effets de cette nouvelle formule de gouvernance afin de l’étendre ou non au pays tout entier.
C’est en 2010, suite aux difficultés patentes de la 3ème République à gouverner spécialement la province du Sud-Kivu, que nous nous sommes senti interpellés, nous membres de l’Association pour la Défense des Intérêts du Kivu-Bukavu (ADIB) pour évaluer exhaustivement la situation générale de cette province face à la problématique de sa gouvernance.
Tout est partie de ce rappel à Kinshasa de Monsieur Louis Léonce Muderhwa, 2ème Gouverneur de province élu démocratiquement par la majorité au pouvoir et poussé à la démission dans les mêmes circonstances que son prédécesseur, à un moment où la population, pour sa part, exigeait la démission du bureau de l’Assemblée Provinciale. Tout permettait de penser à l’instauration d’un état de siège au Sud-Kivu pour des raisons obscures. C’est dans ces conditions qu’il nous a paru impérieux de réfléchir sur la situation générale au cous du séminaire atelier organisé à cet effet du 16 au 18 avril 2010 à Kinshasa et qui a réunit 350 membres de notre élite intellectuelle.
Premier constat : dans le même temps (1996-2010), les mêmes circonstances (occupation et démocratie), sous les mêmes régimes (AFDL, RCD, 1+4, PPRD et alliés) et avec les mêmes difficultés (réfugiés et groupes armés), la province du Sud-Kivu compte 16 gouverneurs de province (12 effectifs et 04 intérimaires) alors que le Maniema et le Nord-Kivu n’en compte que trois correspondant aux changements normaux à la suite des changements des régimes successifs dans cette partie du territoire national.
- Révérend Pasteur KYEMBWA Walumona (Fin 2ème république)
- Professeur Anatole BISHIKWABO CHUBAKA (Début AFDL)
- Professuer Jean MAGABE
- Monsieur Norbert KANTITIMA BASHENGEZI (Début RCD)
- Monsieur Patient MWENDANGA
- Monsieur CHIRIBANYA
- Monsieur Jean Pierre MAZAMBI
- Monsieur Augustin BULAIMU WITE NKATE
- Monsieur Déogratias BUHAMBAHAMBA (1 + 4)
- Monsieur Célestin CHIBALONZA (Début démocratie)
- Monsieur Louis Léonce MUDERHWA
- Monsieur Marcellin CHISHAMBO (2010 à ce jour)
Et les quatre Gouverneurs intérimaires: Monsieur Didace KANINGINI, Monsieur Ignace MUPIRA MAMBO, Monsieur Richard WATUNAKANZA, et Madame Aurelie BITONDO.
Il sied d’indiquer que sous l’occupation du RCD, Un autre gouverneur et un vice gouverneur étaient nommés par Kinshasa, avec résidence à Kinshasa: Monsieur Modeste MUSAMBA et Madame
Deuxième constat: Pendant toutes ces années, certains projets repris chaque année au budget de l’Etat depuis 1996 jusqu’en 2010, n’ont jamais connu ne fut ce qu’un début d’exécution. Il s’agit notamment :
- La modernisation de l’Aéroport de Kavumu : 10.686.509.900 CDF
- La Route Kavumu-Kalehe-Goma: 4.753.000.000 CDF
- L’Hôpital de Référence de Bukavu :475.300.000 CDF
- L’INERA-Mulungu: 237.650.000 CDF
- Le CRSN-LWIRO: 149.240.065 CDF
- Le barrage de KABIRA à Kalehe : 2.901.200.000 CDF
- La Sucrerie de Kiliba : 475.300.000 CDF
- La Cimenterie de Katana : 743.960.473 CDF
Il appert que ni le gouvernement Central, ni les différents gouvernements provinciaux successifs ne se sont jamais posés la question de pourquoi tous ces projets n’ont pas connu un début d’exécution d’une part et pourquoi le budget de l’Etat continue à reprendre pendant 14 ans des montants qui ne sont pas utilisés pourtant destinés aux projets bien identifiés depuis.
Après nos investigations, aucune autre raison que le fait qu’aucun des tous ces gouvernements provinciaux successifs n’a eu le temps matériel de travailler effectivement. A peine un gouverneur nommé entrait en fonction, la population demandait son départ et dans cette gué-guerre quasi permanente la province du Sud-Kivu n’a pas été gouvernée pendant 14 ans.
Il est clair que notre population a toujours été politiquement mûre et étroitement liée aux valeurs républicaines d’instauration d’un Etat de droit et aux valeurs traditionnelles qui constituent la trame de la vie communautaire. Aussi, elle a toujours exigé des hommes d’état et spécialement de ses propres fils d’observer des valeurs positives rigoureuses dont l’Excellence et l’Élitisme en toute circonstance pour mériter son accompagnement. Cette intransigeance n’a d’égale que l’attachement à ces valeurs.
La question à laquelle nous devrions tous répondre est celle de savoir si cette rigueur absolue est une chance ou un obstacle au développement du Sud-Kivu? Est ce un frein à la démocratisation, à la décentralisation et à la modernisation? Quel impact sur la gouvernance? Et pourquoi, cette population ne s’est jamais accordé sur une personne qu’elle pourrait imposer à tous?
Des réponses dans d’autres articles sur ce site internet ou dans nos écrits.