Le pouvoir coutumier se définit comme étant le pouvoir dont l’existence, la dévolution et son exercice trouvent leur fondement dans la coutume. La Gouvernance, terme fétiche dans le lexique politique se décline comme étant un procédé ou une technique de coordination, de négociation et de prise de décision selon une littérature politique.

LA RÉALITÉ DU POUVOIR COUTUMIER

D’abord nous devons convenir de la réalité vivante du pouvoir coutumier au Sud-Kivu. Cela est incontestable. Fondé sur la coutume, ce pouvoir qui a survécu à l’épreuve du temps, continue bon an mal an à assurer la cohésion sociale, la pérennité culturelle, et la régulation de la vie sociale dans nos milieux ruraux. Et les détenteurs actuels, presque tous instruits à l’école moderne sont tous généralement aptes à assurer la plénitude de leurs fonctions coutumiers et d’attribution selon les lois de la République .

Cependant aujourd’hui, le pouvoir moderne n’assure plus l’encadrement administratif et technique des chefs coutumiers dans l’accomplissement de leurs missions :

  • De contrôle de la population à l’Etat-civil et au mouvement des populations ;

Des taches communautaires de développement, notamment :

  • Travaux d’entretien et de réhabilitation des routes ;
  • Travaux de production agricole,
  • Travaux d’assainissement des milieux,
  • Travaux de construction d’infrastructures sociales : écoles, centres de santé…

La nostalgie d’une époque à jamais révolue flétrit tout espoir de changement vers le mieux, dans le coeur de nos populations.

La province du Sud-Kivu se situe à l’est de la République, le long du lac Kivu, la rivière Ruzizi et une portion du lac Tanganyika.
Elle partage ses frontières avec les provinces du Nord-Kivu, du Maniema et du Katanga, ainsi qu’avec trois pays: la Tanzanie, le Burundi et le Rwanda. Sa superficie est de 64 719 kilomètres carrés tandis qu’on estime sa population actuelle à 4 861 222 en 2007.

L’économie du Sud-Kivu est fondée essentiellement sur une agriculture, utilisant des méthodes traditionnelles. Les populations
cultivent le manioc, la banane, la pomme de terre, la patate douce, le haricot, le riz et le paddy, etc.

Les populations pratiquent aussi l’élevage et la pêche. Cependant, la plupart de ces activités ont subi une forte régression sur le
plan de la productivité à cause surtout de l’usure, de la déplétion et l’épuisement des sols sur cultivés, l’insécurité permanente et les guerres récurrentes, la montée de la densité, l’absence de renouvellement des intrants et les méthodes d’accès à la propriété de la terre. Le Sud-Kivu est à la fois une province pauvre, post conflit, mais en voie de pacification.

Actuellement, le Sud Kivu a peu d’industries. La BRALIMA et la PHARMAKINA y occupent une place de choix. Cependant, son sous sol regorge de minerais d’importance stratégique et économique tels que l’or, la cassitérite, le coltan et le wolfram, le tout
cependant exploité de manière artisanale ou clandestine, ce qui a donné naissance à une classe de nouveaux riches et explique la
poussée de constructions nouvelles et défiantes dans la ville de Bukavu.

L’activité minière s’exerce particulièrement dans les contrées où persiste encore l’insécurité à cause de la présence des Interahamwe et d’autres sortes de milices. Les poches d’insécurité sont encore perceptibles dans plusieurs endroits tels que Mwenga, Shabunda, Kalehe et même Walungu.

L’analyse contextuelle, faite par l’homme de la rue, présente la province du Sud-Kivu de la manière suivante : province post conflit, post électoral, éloignée et désarticulée, qui a voté massivement pour un seul parti, donc qui a mis tous ses oeufs dans un seul panier, sans parti politique local à encrage national et qui ploie sous le poids d’une éducation chrétienne qui place l’étique et la dignité humaine au dessus de toute chose mais dont la population ploie paradoxalement dans la misère. La pauvreté des populations et la guerre ont donné naissance à de nouveaux conquérants, les pourvoyeurs de l’aide humanitaire, qui sont devenus les véritables maîtres du pouvoir tels que notamment le PNUD, CARITAS, ACDI, etc. C’est une province où la contribution des élites intellectuelles se fait peu sentir, la plupart évoluant à longue distance et n’ayant rien à redistribuer ni sur
le plan social, ni sur le plan des industries, au moment où la terre s’appauvrit et ne produit plus suffisamment, où la vache et le petit élevage deviennent aussi rares et où sévit la malnutrition endémique dans certaines de ses contrées.

En visite de recherche au Kivu au cours de l’année 2009, une radio locale interrogeait les auditeurs sur la signification de la visite d’une très haute autorité du pays dans cette partie du territoire. « Que cette autorité vienne ici ou pas, cela ne change rien dans ma vie. On y est habitué. C’est pour sa femme et ses enfants qu’elle travaille.

Donc sa venue me laisse totalement indifférent ! « Cette réponse que j’écoutais me laissa ébahi et interpellé. Il en est de même des propos que je pus glaner au niveau de la société civile sur l’assemblée provinciale et le gouvernement provincial dans leur quête pour l’amélioration des conditions de vie de leurs constituants.

Les contours de cette conférence peuvent se résumer autour de la problématique ci après : que faut – il faire après les élections ? Un vote à l’assemblée provinciale constitue-t-il un gage certain et un instrument réel de légitimation de l’exercice du pouvoir ?
Quelle passerelle ou rapports doit on établir entre performance politique (gagner et maintenir le pouvoir, assurer la représentation des gagnants et maintenir les solidarités et assises) et performance économique (avec ses impératifs administratifs de sélection selon le mérite, de jugement sur les questions d’opportunité, de vision économique, de planification et
de dynamisme à infuser dans les groupes ?). Le leadership politique est-il compatible avec le leadership économique, social et traditionnel et comment les paliers partenaires de la société civile peuvent ou doivent-ils cohabiter au Sud-Kivu ? Bref, pourquoi tant d’instabilité politique au niveau provincial ? Les peuples peuvent ils être gouvernés contre leur gré et doit-on les imposer des leaders ? Selon certaines recherches, il est plus facile de gagner les élections que de gérer l’après élection, de diviser que de rassembler et de transformer le leadership politique en leadership économique. Par ailleurs, le leadership intellectuel manque souvent de pragmatisme et de stratégie pour utiliser son savoir, en vue soit de conseiller correctement les rois et de servir honnêtement le peuple, les deux sans se prostituer, ou de capitaliser toujours sur leur savoir pour assumer un rôle économique et social perceptible. Il est difficile de se muer en Tarzan sans cerveau, sans muscles et sans expérience issue de la vie dans la jungle.

Au niveau politique

  • Ignorance des réalités de la province par les gouvernants.
  • Interférence du pouvoir central dans la gestion de la province.
  • Manipulations et machinations des populations et des gouvernants orchestrées par des leaders du Sud-Kivu tant localement qu’à partir de Kinshasa.
  • Dysfonctionnement du pouvoir judiciaire.
  • Clivage tribal
  • Faiblesse des pouvoirs publics dans l’application de la réglementation économique
  • Environnement politique défavorable fragilisé par des guerres récurrentes et leurs conséquences.
  • Absence d’un parti politique créé localement et animé par un leader politique charismatique et rassembleur.

Au niveau économique

  • Déficit de la production agricole et paupérisation accentuée du monde rural.
  • Insuffisance et inadéquation des infrastructures de transport et de communication.
  • Insuffisance de l’outil de production industrielle et déficience énergétique.
  • Absence d’une politique de planification économique.

Au niveau socioculturel

  • Pratique du tribalisme par les dirigeants politiques.
  • Désinformation et rumeurs.
  • Corruption et impunité.
  • Exclusion sociale et repli identitaire.
  • Abandon de la population par les Chefs coutumiers.
  • Affaiblissement du pouvoir coutumier.
  • Viol massif des fillettes, des jeunes filles et des femmes.
  • Absence de la réinsertion sociale des enfants de la rue en rupture de famille.
  • Pauvreté accrue des familles.
  • Mauvais encadrement des militaires et des policiers à la base de l’insécurité.

A la lumière de ces riches exposés et des échanges fructueux qui s’en sont suivis, enrichis par des travaux en commissions, les  participants ont dégagé les conclusions ci-après qui s’articulent autour de principaux atouts et faiblesses de la province :

Au niveau politique

Un sens très élevé de patriotisme et de nationalisme dans le chef de la population du Sud-Kivu.

  • Une société civile dynamique et proactive qui veille aux intérêts du peuple et à la réalisation de ses attentes.
  • Une intelligentsia nombreuse, avisée et exigeante.

Au niveau économique

  • Existence de tracés routiers, de deux lacs étendus, de projets d’extension ferroviaire, du port de Kalundu et du projet d’un aéroport international à Kavumu.
  • Existence d’un tissu industriel à réhabiliter et à moderniser, du gisement de gaz méthane, des chutes de la Ruzizi, du gisement pétrolier du lac Tanganyika, des nombreuses ressources minérales etc.
  • Présence de l’INERA, des Centres de Recherche Scientifique à Lwiro et à Uvira et l’existence d’études et de plans d’aménagement économique de la province.
  • Existence d’énormes ressources halieutiques, touristiques, thermales etc
  • Présence d’une population industrieuse et d’une main-d’oeuvre rurale travailleuse et abondante.

Au niveau socioculturel

  • Diversité des tribus et mariages intertribaux.
  • Coutumes et traditions favorables au développement et à une gouvernance participative.
  • Présence des Eglises traditionnelles engagées dans la défense de la dignité humaine.
  • Organisation des rencontres culturelles.
  • Intériorisation de la culture du travail bien fait